En février dernier, l’équipe autour du jeu Catakombes Dark Reign m’a proposé de recevoir un exemplaire de leur nouveau projet : un jeu de rôle issu du même univers, intitulé sans surprise Catakombes Dark Reign RPG.

Le principe était simple : je recevrais une version beta du prototype, et pourrais en faire une revue sur Colorfulminis. Par transparence, je précise que je n’ai pas été rémunéré pour cet article. Les figurines du prototype seront d’ailleurs offertes à mes tipeurs lors d’un tirage au sort prochain.

Le prototype de Catakombes Dark Reign RPG (version beta)

Catakombes Drak Reign, qu’est-ce que c’est ?

Autant être honnête : je n’avais pas entendu parler de ce jeu avant d’être contacté par les auteurs. Pourtant, Florent Massiera, le sculpteur et auteur principal du jeu, est assez productif : il a en effet déjà réalisé trois campagnes de financement sur Kickstarter, toutes autour du même univers :

En observant l’historique de ces campagnes, on comprend donc que Florent décline ici son univers autour de différents aspects. Il a commencé par proposer une gamme de figurines en 2015, puis a élaboré un jeu de plateau pour les mettre en scène (Dark Reign), et ensuite un jeu de combat en arène.

C’est donc désormais une nouvelle étape dans ce processus qui prend forme avec la création du jeu de rôle éponyme.

L’univers du jeu

Nous sommes en France, en l’an 1000. Le livre des règles pose le décor en citant un passage de l’apocalypse selon Saint Jean:

« Je vis un ange descendre du ciel avec la clef de l’abîme et une grande chaîne dans la main. Et il saisit le Dragon, le serpent qui est le diable et le lia pour mille ans. Lorsque seront achevés les mille ans, Satan sera délivré de prison et il sortira pour égarer les nations. »

Illustration du jeu (version beta)

C’est donc dans cette France moyenâgeuse nimbée de prophéties de fin du monde que vont évoluer vos héros. La secte du Serpent d’Eden se développe en secret et cherche à provoquer l’avènement de l’enfer sur terre.

Le roi Louis VIII lance une grande inquisition dans tout le royaume et cherche à éradiquer les adeptes de cette secte, qu’il qualifie d’hérétiques, afin de déjouer leur plan démoniaque. La lutte entre l’église et la secte va connaître son apogée avec l’arrivée d’un démoniste du nom de Baatess, qui en devient le « Grand Maitre » rapidement, grâce à ses talents dans les arts sombres.

A force de manipuler les forces démoniaques, Baatess perd la raison, et son esprit torturé finit par se consacrer à un unique dessein : ouvrir la porte des enfers, et permettre aux forces des ténèbres de rejaillir sur Terre. On dit que désormais, plus de cinq cents ans après la création de la secte du Serpent d’Eden, tous ses adeptes sont dévoués à creuser le sol afin de localiser la « Porte Infernale ». Des milliers de galeries souterraines parsèment les sous-sols de France, jusqu’à des profondeurs impensables. Certains assurent, jurant de leur santé mentale, que des monstres défiant le réel s’y terrent.

Le Démoniste Baatess serait toujours en vie, si l’on en croit la rumeur, par on ne sait quelle perfidie surnaturelle. Pire : il serait sur le point de localiser la porte démoniaque, celle-là même par laquelle le Créateur aurait répudié l’Ange Déchu…

Première impression

Vous l’avez compris, Dark Reign RPG est un jeu de rôle centré sur l’exploration de donjons, car l’intrigue de cet univers est focalisée sur cette porte des enfers sur le point de s’ouvrir, enfouie sous terre. Les dédales souterrains sont légion, submergés de magie noire et de démons.

Le contenu du prototype (salles, dés, cartes, figurines)

Les joueurs pourront-ils réussir à déjouer les plans de Baatess ? Ou au contraire, seront-ils des adeptes de la secte du Serpent d’Eden et chercheront-ils eux aussi à trouver la porte infernale tout en freinant l’inquisition de l’église ?

Le lore que je viens de vous résumer ici tient sur seulement deux pages dans le livre des règles, et cela donne une première bonne impression : Florent a réussi à trouver un setting original pour justifier l’exploration de donjons de manière quasi systématique pour les héros.

Par ailleurs, le fait d’avoir détourné l’histoire de France me plait assez, ça change des sempiternels mondes imaginaires peuplés d’elfes, de nains et de hobbits (au hasard). On peut à la fois se projeter facilement, en se plongeant dans l’Histoire de France du XIe siècle, et laisser libre cours à son imagination (qui sait ce que les souterrains peuvent engendrer sous l’influence démoniaque de Baatess ?) Un bon point donc pour ce setting simple, mais efficace.

Pourquoi efficace ? Eh bien parce que ce jeu de rôle a une ambition très claire : permettre du dungeon crawl enrichi, approfondi, réaliste (si l’on peut dire). Dès la lecture des règles, on comprend qu’il s’agira ici de faire du « salle-monstre-trésor », et c’est totalement assumé. Dans ce cadre, c’est donc très bien trouvé au niveau du fluff : il est logique que les personnages passent leur vie (et leur mort ?) dans les sous-sols de France, la fin du monde est en jeu !

Jeu de plateau ou jeu de rôle ?

Si tout est question d’exploration de donjons, pourquoi parler de jeu de rôle ? C’est effectivement la question qu’on est en droit de se poser. Cependant la réponse nous est donnée sur la page du Kickstarter:

Les fiches de personnages

Moitié jeu de rôle, moitié jeu de figurine (échelle 1:50) “Catakombes Dark Reign” est un jeu coopératif pour 1 à 3 joueurs incarnant un groupe de héros, qui forment une alliance pour vaincre leurs ennemis, tandis qu’un autre joueur donne vie à l’aventure en tant que maître du jeu.

C’est donc bien un produit hybride auquel nous avons à faire : ce n’est pas tout à fait un jeu de rôle, au sens moderne du terme, puisque le focus essentiel du jeu se résume à explorer des donjons, et ce n’est pas non plus un jeu de plateau, de part l’immense variété d’actions possibles et de situations qu’on pourra rencontrer (on verra que les joueurs ont même la possibilité d’inventer des actions en cours de jeu, à l’appréciation du MJ).

C’est donc un jeu qui se situe entre les deux, et plaira à mon avis aux groupes de joueurs férus d’exploration de donjons dans la plus pure tradition HeroQuest ou Donjons et Dragons et qui visent à donner plus de profondeur à leurs parties, tout en les cimentant par une toile narrative cohérente.

Mécanique

La mécanique elle-même revendique ce choix centré sur l’exploration de donjon. En effet, une partie de Catakombes Dark Reign RPG se découpe en deux modes de jeu : le mode RPG et le mode Donjon. Le premier mode est narratif, le MJ va poser la situation et les joueurs vont interagir avec le scénario, et réaliseront si besoin des tests de compétence.

Prenons un exemple (que j’imagine à la volée, en m’inspirant des idées de quêtes du prototype) : le maire de la ville où les héros se sont retrouvés a offert une récompense à qui voudra tuer l’ours enragé qui se terre dans la grotte, non loin de la rivière (on découvrira que la bête n’a rien d’un ours, et crache du feu par les deux gueules qui jaillissent de son cou tentaculaire, mais passons). Les joueurs pourront tenter de marchander avec le maire pour faire monter la prime, ou même pourquoi pas recruter un homme de main à l’auberge pour assurer leurs arrières (attention, il demande 300 écus !) Les étapes narratives qui expliquent cela (négociation avec le maire, recrutement à l’auberge, etc) se joueront dans le mode jeu de rôle.

Puis, dès lors que le groupe pénètre dans le donjon, on sort le matériel, les éléments de salles, les cartes et les dés et on passe au mode donjon. C’est là toute l’originalité du jeu.

Le donjon

Le donjon sera généré aléatoirement, par le biais d’un deck spécialement conçu qui permet de découvrir le dédale à mesure qu’il se forme. Seules certaines salles sont anticipées par le MJ, et ont un impact particulier sur le scénario. Dans notre exemple, on peut imaginer une dalle spéciale, volontairement piochée en fin de partie, qui représente l’antre du monstre.

Des figurines vont représenter tous les protagonistes des scènes d’action, les héros bien sûr, incarnés par les joueurs, mais aussi tous les monstres en jeu (controllés par le MJ). On trouvera ici des règles précises sur la manière de faire évoluer les figurines, leur déplacement, leurs actions et interactions.

Figurines et points d’action

Figurine du barbare (ici aussi quelques nettoyages à prévoir sur cette version, mais belle sculpture néanmoins)

La mécanique est assez simple et se base sur une logique de Points d’Actions (propre à chaque personnage) et permet d’acheter les actions d’une manche. Les joueurs dépensent leurs actions dans l’ordre de leur choix, comme bon leur semble, mais l’originalité tient dans la capacité d’attendre. J’ai retrouvé ici une idée proche de celle de Space Hulk avec les interruptions : un héros peut acheter des points d’action utilisables pendant la phase du MJ en payant en « attente », le double de points dont il voudra disposer (par exemple, 2 points d’action dépensés en attente donneront droit à 1 point d’action pendant la phase du MJ).

L’idée est interessante et permettra de réagir à des actions des PnJ, la mécanique est séduisante car c’est assez cohérent : le personnage fait moins de choses, mais dépense son attention pour être très attentif, en retour, il peut réagir là où ses compères seront surpris. Cela laisse entrevoir des belles sessions de dilemmes pendant la partie (je fais quoi, je cours et je frappe le squelette, ou je me place dans l’axe et j’attends pour tirer si quelqu’un passe dans le couloir ?)

Même si le jeu se déroule sur des tuiles quadrillées, et laisse penser qu’on a affaire à un jeu de plateau traditionnel, il n’en est rien : les possibilités d’actions sont très grandes. On peut aller loin dans les combats, et notamment prendre feu, avoir des hémorragies, subir des blessures graves entrainant des séquelles (une amnésie ? vous perdez une compétence), ou même, avec certaines compétences, pouvoir tirer dans une foule sans risque de blesser un ami, ou encore piétiner un adversaire.

C’est en lisant la profusion des actions possibles que l’on comprend pourquoi Florent a décliné son Dungeon Crawl en jeu de rôle : son envie de réalisme dans les scènes d’action trahit ici sa volonté première.

Tests de caractéristiques et Combat

Les tests de caractéristiques s’appuient sur des dés à six faces modifiés (faces échecs, une face succès, et une face succès critique). On lance autant de dés que la valeur de la compétence et on doit obtenir autant de succès que la difficulté du test. C’est simple et connu, mais très fluide.

Si on obtient un symbole succès critique (une chance sur six sur un dé), on pourra multiplier les succès obtenus. Petit bémol ici : le paragraphe des règles qui explique ce point n’est pas très clair, il manque à mon avis un encart d’exemple pour illustrer cette mécanique centrale dans le jeu. Cela sera peut-être ajouté dans la version finale.

Le combat entre deux figurines s’appuie sur cette logique : et on fera des tests croisés en utilisant la compétence de corps à corps de l’attaquant, pour connaitre le nombre de dés lancés, et la difficulté du test sera égale à la compétence Défense de la cible.

Une mécanique de base simple donc, qui permettra de résoudre les tests rapidement et facilement.

Expérience et règles spéciales

S’il y a bien un trait majeur dans tous les jeux de rôle c’est la possibilité d’évolution des personnages. Catakombes Dark Reign RPG ne déroge pas à la règle, et évidemment, on pourra gagner et dépenser des points d’experience pour faire acheter des compétences, améliorer des caractéristiques, ou apprendre des sorts.

Par ailleurs, il existe de nombreuses règles spéciales qui viennent enrichir l’environnement, comme par exemple la Peur qui pourra paralyser des personnages (ils perdent des points d’action) ou encore la possibilité de prendre feu (attention aux blessures en cascades !)

Direction artistique

Le point sur lequel j’ai le plus de réserves est la direction artistique dans son ensemble. Après, c’est difficile pour moi de juger objectivement car je n’ai reçu qu’une version très beta du jeu, avec un matériel limité et des éléments sans réelle mise en page.

Le livre des règles de la beta (une version mise en page sera fournie aux backers)

Par ailleurs, je ne sais pas si les figurines que j’ai reçues sont similaires à celles que recevront les backers.

Ces réserves précisées, j’ai noté quelques problèmes de moulage sur les figurines, notamment des résidus qu’il faudra nettoyer avant l’assemblage. On le voit assez nettement sur la figurine ci-dessous, entre le bâton et le buste : une fine pellicule devra être supprimée.

La figurine « bave » un peu entre le bâton et le buste.

On pourrait également discuter la mise en page des fiches de personnages, ou des règles, mais là encore, je ne sais pas si la version finale sera retravaillée ou non.

En effet, les fiches perso sont au format A4 et comportent énormément d’espaces vides. Cela s’explique par le fait qu’on suppose que les joueurs vont écrire beaucoup d’éléments ici (équipements, sorts, etc) mais je pense qu’il aurait été possible d’assumer la logique hybride jusqu’au bout, et de rester sur des fiches plus compactes, et produire des cartes pour tout l’équipement possible, et les sorts (quitte à fournir des cartes vierges pour les MJ créatifs).

Alors, est-ce un jeu pour vous ?

C’est à vous de voir ! Je pense que Catakombes Dark Reign RPG peut trouver son public. Il s’adresse tout d’abord à ceux qui jouent en groupe, c’est évident, puisqu’il est impossible d’imaginer un jeu de rôle sans maître du jeu, mais surtout, il vise ceux qui recherchent la simulation et le réalisme plus que l’améritrash.

Par ailleurs, le setting d’un royaume de France envahit de magie noire et de démonisme permet une immersion facile tout en apportant une certaine originalité au jeu.

Vous pouvez soutenir la campagne Kickstarter ici et de ce fait acquérir un exemplaire du jeu qui sera livré courant 2020. Le pledge early bird, limité aux 80 premiers exemplaires est à 99 euros. Il faudra ensuite compter 109 euros pour acquérir le jeu via la campagne.

A noter que la campagne propose 4 exemplaires en « God Pledge » pour 299 euros qui contiendront toutes les figurines du jeu peintes.

Il ne me reste plus qu’à souhaiter beaucoup de succès à cette campagne et à féliciter Florent pour son énergie créative !