Pour son second article sur Colorfulminis, CorwinB nous présente en détail Pathfinder JCE.

Présentation du jeu

Pathfinder ACG (Action Card Games) est un jeu de cartes évolutif (JCE) situé dans l’univers éponyme, popularisé par le jeu de rôles (auquel je confesse ne jamais avoir joué). Chaque campagne de Pathfinder ACG se propose de reconstituer, sous forme d’un jeu de cartes évolutif, l’un des grands modules du JdR.Contrairement par exemple aux Living Card Games coopératifs de FFG (Le Seigneur des Anneaux, Horreur à Arkham), chaque campagne de Pathfinder ACG est auto-contenue, et propose sa propre boîte de base, ce qui évite d’avoir à rechercher des boîtes/extensions disparues des rayons depuis longtemps lorsqu’on se lance dans le jeu (je me rappelle par exemple avoir eu toutes les peines du monde à me procurer certaines extensions du Seigneur des Anneaux lorsque j’ai commencé le jeu après la réédition du Core Set). Dans Pathfinder ACG, on peut par exemple jouer la campagne l’Eveil du Seigneur des Runes en achetant d’abord la boîte de base de cette campagne, puis les 5 packs d’aventure (qui sont vendus soit séparément, soit dans une boîte bundle).

Une campagne de Pathfinder ACG se décompose en 6 aventures, elles-même composées de plusieurs scénarios. Une campagne va donc se constituer d’une trentaine de parties (voire plus si on décide de rejouer les scénarios échoués !), la durée de vie est donc au rendez-vous.

Le Matériel

La boîte de base d’une campagne Pathfinder comprend les cartes permettant de créer quelques decks de démarrage, ainsi que les aventures d’introduction (3 scénarios dans le cas de la campagne L’éveil des Seigneurs des Runes). Un insert thermoformé permet de séparer les cartes par type (ce qui est indispensable pour une mise en place rapide des parties), mais cet insert n’a malheureusement pas la capacité d’accueillir l’intégralité des cartes une fois mises sous pochette, ce qui est problématique pour les maniaques de la pochette dans mon genre. Ceux-ci seront obligés de se rabattre sur les inserts en carton plume ou l’impression 3D pour les plus chanceux.

La boîte de base contient par ailleurs une aventure d’initiation (3 scénarios) ainsi que la première aventure de la campagne, composée de 5 scénarios. Ce pack apporte environ 120 cartes supplémentaires, aussi bien de nouveaux défis que des récompenses.

Outre la pléthore de cartes de jeu, on trouve aussi dans la boîte des dés (4, 6, 8, 10 et 12 faces) ainsi que les cartes de personnage qui permettront de suivre l’évolution de ces derniers. Je recommande d’investir dans des pochettes peu chères ainsi que dans un feutre indélébile pour faciliter le suivi, ou d’imprimer les feuilles de personnages depuis le site de l’éditeur. Disposer d’un set de dé par joueur fluidifiera aussi les parties.

Mise en place

Pour mettre en place une partie, on construit une pile de cartes pour chaque lieu du scénario (de 4 à 8 selon le nombre de joueurs), la composition de cette pile (monstres, obstacles, trésors…) étant déterminée par le lieu. Ensuite, on prend les cartes du boss et de ses sbires, et on ajoute aléatoirement une de ces cartes à chaque lieu. On constitue enfin une pile de 30 cartes « Bénédictions » qui servira de chronomètre à la partie. Chaque joueur se munit ensuite de son deck, et c’est parti !

Bien que la mise en place ait l’air simple ainsi décrite, il faut se rendre compte qu’une boîte de Pathfinder remplie contient des centaines de cartes, et que même en les ayant divisées par catégorie la récupération des cartes spécifiques (boss, lieux, sbires…) va prendre un certain temps.

La mise en place d’une partie typique…

Système de jeu

Le but d’un scénario de Pathfinder est en général de battre un boss, qui se cache dans l’un des lieux de la rencontre. Seuls ou en groupe, les aventuriers doivent explorer ces lieux et couper les chemins de retraite du boss avant que le temps ne s’écoule (on défausse une carte du deck de Bénédictions au début du tour de chaque joueur). Si le boss est découvert et battu, il cherchera en effet à s’enfuir vers un des lieux non encore fermés par les joueurs (on ferme un lieu en battant le boss ou le sbire qui s’y trouve, ce qui peut aussi nécessiter de remplir une condition supplémentaire). Si le boss ne peut plus fuir et est battu, les joueurs ont gagné.

A son tour, chaque joueur dispose d’une Exploration gratuite : il peut révéler la première carte du lieu où il se trouve. Il peut s’agir d’une carte adverse (monstre, obstacle, sbire ou boss), ou d’une carte bénéfique (équipement, sort, compagnon…). Dans les deux cas, un jet sera nécessaire soit pour triompher de l’adversité, soit pour acquérir la ressource. Chaque personnage dispose d’un jet de dé pour les caractéristiques « classiques » du JdR (Force, Charisme, Sagesse…), et éventuellement d’un modificateur de compétence (ex : Corps à Corps = dé de Force +3). Sur chaque carte est inscrit quel(s) jet(s) effectuer, le joueur choisissant le plus avantageux pour lui. En cas de réussite contre une carte adverse (hors sbire ou boss), celle-ci est défaussée. Si on réussit le test d’acquisition d’une carte bénéfique, on l’ajoute à sa main.

Il est bien entendu possible de modifier les jets en utilisant des objets/armes/compagnons, des compétences, ou en défaussant des cartes de bénédictions. Les autres joueurs peuvent d’ailleurs eux aussi intervenir dans les jets de dés de leurs alliés. Il sera donc possible de « bétonner » sur un jet crucial, et c’est là que nous arrivons à ce qui donne toute sa saveur à Pathfinder ACG : les choix. Qu’est-ce qu’un jet « crucial » pour l’aventure ? Sachant que les cartes de bénédictions (ainsi que certaines cartes compagnons) peuvent aussi être défaussées pour avoir des explorations supplémentaires, comment les dépenser de façon optimale ? Le voleur n’a pas beaucoup de chances d’obtenir cette carte Sort qui serait pourtant bien utile au Mage, les joueurs doivent-ils ensemble défausser 3-4 bénédictions pour lui donner une chance de réussir son jet ?

Il y a même des choix sur la façon d’utiliser/affronter une carte donnée : certains adversaires obstacles peuvent être confrontés de plusieurs façons, et les armes peuvent quant à elles être défaussées pour un effet plus puissant. Il existe de nombreuses façons de jouer ses cartes :

  • « révéler » une carte : la montrer aux autres joueurs puis la remettre dans sa main
  • « exposer » une carte : la mettre sur le plateau de jeu, par exemple pour modifier tous les jets d’un certain type pendant un tour
  • « recharger » une carte : la remettre en dessous de son deck
  • « jeter » une carte : la mettre dans sa pile de défausse
  • « enterrer » une carte : la mettre dans une pile à part, on ne pourra la réinsérer dans son deck qu’à la fin de la partie
  • « bannir » une carte : on la range dans la boîte

Quand on échoue face à un obstacle ou un monstre, celui-ci est la plupart du temps remélangé dans sa pile de lieu, et le joueur subira des dégâts, sous la forme de cartes défaussées de sa main. A la fin du tour de chaque joueur, celui-ci remplit sa main jusqu’à sa taille maximum en piochant des cartes de son deck. S’il ne peut plus le faire, il a perdu. Le deck sert donc aussi de réserve de points de vie, et « brûler » trop de cartes présentera donc un danger certain.

A la fin de la partie, les joueurs s’ils sont victorieux gagnent une récompense de scénario (carte ou progression de leur personnage en améliorant ses statistiques, son deck ou ses compétences spéciales), et peuvent échanger entre eux des cartes tant que leurs decks respectent les limites de construction.

Le mot de CorwinB

Mon groupe et moi avons fait pas mal de partie de Pathfinder (nous en sommes environ à la moitié de la campagne), et j’ai aussi passé pas mal d’heures sur la version électronique du jeu.

C’est vraiment un jeu que j’apprécie, sans pour autant me dissimuler ses défauts. Nous ne le sortons pas toutes les semaines, mais c’est un de nos premiers choix entre deux campagnes (Descent, Arkham…) ou quand nous avons une seconde séance de jeu dans la semaine.

Ce que j’aime

Je dirai que mon point préféré dans Pathfinder ACG est la pléthore et l’importance des choix. Alors que dans beaucoup de jeux soit le « coup » optimal est facile à identifier, soit on arrive grosso modo au même résultat quel que soit le chemin choisi, Pathfinder nous confronte fréquemment à des dilemnes cornéliens… Et quand même avec une bonne stratégie le succès n’est pas garanti, on peut imaginer le côté punitif d’y aller au hasard.

Pathfinder a aussi pour lui une forte ambiance « Dungeon crawler », notamment en ce qui concerne le loot, très abondant. De ce fait, il peut parfois être intéressant quand on voit qu’une quête s’annonce mal de se focaliser sur le loot pour pouvoir la retenter ultérieurement avec des personnages mieux équipés. On apprécie le fait de passer des niveaux et de s’équiper dans l’aventure, et non en suivant un « net-deck » hyper-optimisé, cela donne une saveur JdR « old school » toute particulière.

Petit à-côté, mais j’ai beaucoup apprécié l’application sur téléphone portable, qui reprend parfaitement les règles du jeu (même si on peut lui reprocher un modèle de financement assez prédatoire).

Dernier grand point positif, l’accessibilité en terme de matériel, due au fait que chaque campagne est indépendante et ne nécessite pas de suivre le jeu depuis le début.

Ce que j’aime moins

On ne va pas se mentir, le principal point faible de Pathfinder de mon point de vue tient à son ambiance graphique comment dire… de qualité variable. Si certaines illustrations (on pense notamment aux cartes de lieux) sont de très bonnes facture, de nombreuses autres sont franchement médiocres, rappelant par exemple les pires heures de MtG 7ème Edition. A l’heure où une présentation au top est de plus en plus la norme pour les jeux de plateau et de cartes, le titre de Paizo Publishing rate le coche de très loin.

Quelques exemples de cartes…

Une fois ceci dit, comme pour de nombreux jeux de cartes (surtout en Coop), il peut arriver qu’une partie de Pathfinder soit frustrante, dans la mesure où même avec la meilleure stratégie du monde, si la carte du boss est dans les 3 dernières cartes du dernier lieu qu’on souhaite fouiller, il est probable que la partie s’arrête faute de temps. Ce point est néanmoins pondéré par le fait qu’il n’y a pas vraiment de partie « perdue » puisqu’on peut récupérer du loot et retenter le scénario.

On peut aussi regretter des decks de départ proposés absolument catastrophiques, honteux même, et gouvernés uniquement par le besoin de faire le plus de decks légaux avec le contenu de la boîte (spoiler alert, les decks de la campagne « Skulls & Shackles » sont encore pire). Ceci peut amener de la frustration sur les premières parties quand les joueurs se retrouvent face à des défis assez costauds et en main une majorité de cartes inutiles voire contre-productives.

Dernier point faible à mon goût, le temps de mise en place et de rangement. Même avec un encart de boîte optimisé et en s’y mettant à plusieurs, il faut compter un temps non négligeable (de l’ordre de 15 minutes ou plus) pour constituer les divers paquets de cartes nécessaires, ainsi que pour ranger en fin de partie.

Ma conclusion

Sans être un classique que tout ludophile se doit de posséder dans sa bibliothèque, Pathfinder est un très bon jeu de cartes, avec un système poussé et un défi assez relevé. De mon point de vue on ne peut que l’envisager dans le cadre d’une campagne, il serait vraiment dommage de rater la partie évolution des personnages. Très loin des jeux de cartes où la stratégie repose avant tout sur l’optimisation du deck, le succès à Pathfinder dépendra plutôt d’une bonne gestion des risques à prendre.