Tainted Grail est jeu de plateau coopératif d’aventure et de survie édité par Awaken Realms. Il a été financé sur Kickstarter lors d’une campagne lancée en décembre 2018, couronnée de succès (près de 42000 contributeurs pour environ 5 millions d’euros levés).

Le jeu plonge les joueurs dans un vaste monde ténébreux inspiré des récits Arthuriens. Avalon se meure, les héros (qui n’en sont pas vraiment, car jugés trop faibles ou inexpérimentés) devront explorer le monde pour trouver une solution au mal ésotérique qui ronge le réel (le Wyrd).

L’originalité du jeu réside dans le savant mélange des genres que les auteurs ont su proposer dans le game play : jeu de cartes (les combats et duels de diplomatie sont résolus par une mécanique originale de combinaison de cartes), jeu d’exploration (on découvre la carte du jeu progressivement, à la manière de 7th Continent, chaque lieu portant son histoire, ses quêtes et ses ressources), jeu de gestion « euro-game » (chaque personnage doit se nourrir, gagner de la richesse, de la réputation, des l’expérience, etc), et enfin, jeu de plateau… Quelle dénomination retenir pour qualifier cet ovni ? Difficile de trancher. Tainted Grail est inclassable, il est trop original pour rentrer dans une case.

Tainted Grail, qu’est-ce que c’est ?

Ce mélange bizarre de mécanique aurait pu être un échec complet, la mayonnaise aurait très bien pu ne pas monter, mais c’est tout l’inverse, c’est un sans faute. Chaque élément s’associe à merveille et donne une impression ludique de fluidité, une fois les règles assimilées. On joue l’initiation, et on n’a qu’une envie : démarrer la campagne. La raison est simple : le jeu cache une histoire complexe et riche, écrite par un des auteurs de Fantasy les plus populaire en Pologne : Krzysztof Piskorski.

Mais plutôt qu’un long discours, autant (re)voir la vidéo de présentation du Kickstarter que j’avait faite au moment de la campagne, car elle résume l’essentiel en six minutes. Je laisse donc la parole à mon moi du passé, qui, je m’en étonne moi-même, n’avait pour une fois pas dit trop de conneries !

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Comme on peut le voir, lors du lancement de la campagne, j’ai été captivé par le projet et j’ai backé sans trop hésiter. Je pariais à l’époque sur le fait que ce jeu avait tout pour être original et réussi.

Après avoir reçu la core box et avoir joué l’initiation ainsi que le premier chapitre, je peux vous confirmer que c’est bien le cas. Ce jeu est génial (peut-être est-il important de préciser qu’avec mon âge de vieux con et mon air blasé par la vie, je trouve toujours un truc à redire, mais là, je m’incline devant le travail accompli : tout est réussi dans ce jeu, et clairement, l’équipe a passé de longues heures à tester et valider le système, la mécanique, les embranchements du scénario, car tout roule sans problème).

Contenu de la core box (et des figurines Monsters of Avalon)

Début juillet 2020, contre toute attente, et malgré une crise du Corona virus qui avait tout pour retarder encore la livraison, j’ai reçu la VF traduite par EDGE.

Et quelle VF !

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Derrière le travail des créateurs du jeu s’ajoute celui de l’excellente équipe de EDGE pour la traduction française. Leur réputation n’est plus à faire, et c’est un réel plaisir de lire les innombrables textes du jeu dans un français propre, correctement traduit, sans anglicisme ou tournures maladroites. J’ai lu je ne sais plus où que la VF serait même meilleure que la VO car l’équipe de EDGE a fait de nombreux retours à Awaken Realms pour préciser des points ou corriger des petites coquilles. Je le crois volontiers. A l’arrivée, cette VF est impeccable, tant dans l’explication des règles que dans le contenu textuel du matériel.

Le sens du détail. C’est ce qui ressort quand on déballe ce jeu, et quand on y joue. Ils ont pensé à tout. C’est un hit, clairement.

J’ai rarement été autant enthousiasmé par un jeu Kickstarter qu’avec Tainted Grail. En fait, je pense même que je n’ai jamais été autant enthousiasmé par un jeu tout court.

Premières impressions

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’à la découverte du matériel et des règles, on ressent une sorte de vertige. Il y a énormément de texte, des symboles partout, des cartes saturées d’inscriptions, et le livret des règles déborde d’explications. J’ai eu une bouffée d’angoisse en voyant ça, j’ai cru que j’avais affaire à une sorte de Mage Knight (en plus joli), et ça m’a un peu inquiété.

Mais… mon inquiétude a été rapidement apaisée par le guide d’initiation du jeu. J’ai décidé de ne pas m’affoler, et j’ai suivi les instructions, en commençant par la mise en place.

La partie d’initiation mise en place, ça tient sur une table basse !

Très bonne surprise de voir que le jeu peut tout à fait démarrer sans prendre une place énorme.

Dans le tutoriel, tout est prévu pour nous prendre par la main : nous utilisons un deck de combat et de diplomatie pré-construits pour l’initiation, ordonnés, qui vont nous permettre d’être guidé même lors de la résolution de nos premiers combats et négociations. Très bien vu !

De même, au lieu de révéler les lieux qu’on explore (en retournant la carte pour y découvrir ses particularités, rencontres, quête, etc), on se réfère à la fin du journal d’exploration (le gros cahier « Livre dont vous êtes le héros »). Les versos des lieux y sont reproduits et modifiés en fonction du scénario d’initiation. Cette approche permet de se familiariser avec la mécanique sans se spoiler l’histoire du premier chapitre.

En somme, on va pouvoir jouer une mini partie simplifiée sans jamais toucher aux vrais éléments scénarisés du jeu. C’est très malin.

Fiche personnage

Gros coup de coeur : la fiche personnage et les gemmes rouges.

La fiche personnage de Béor, le forgeron

Non seulement elle est très agréable (à regarder et à utiliser), mais on découvre que les gemmes sont des éléments génériques et servent à presque tout dans le jeu. C’est la composante « gestion de ressources » de Tainted Grail.

C’est là aussi une très bonne idée : ça évite d’avoir 25 types de marqueurs. Ici, tout ou presque est matérialisé par une gemme : le niveau du perso dans une capacité, ses ressources, sa santé, les dégâts dans un combat, etc.

Les règles

Concernant les règles à proprement parler, il faut quand même s’accrocher. Malgré le tutoriel, j’ai du m’y reprendre à plusieurs fois pour bien comprendre le système de combat (partie la plus complexe de la mécanique, avec les combo de cartes, mais peut-être la plus intéressante aussi).

Une fois qu’on a compris le principe de connexion des cartes entre elles, et qu’on a bien mémorisé la demi-douzaine de symboles qui y apparaissent, on s’aperçoit que ça fonctionne bien. C’est finalement très fluide, et assez amusant, de chercher à trouver la meilleure combo avec la main dont on dispose.

L’intérêt prend tout son sens quand on comprend que lors de la progression du personnage, grâce à l’expérience acquise, on va pouvoir « acheter » des cartes plus puissantes pour les ajouter aux deck de Combat et de Diplomatie. Ainsi, optimiser son deck deviendra une des clefs pour améliorer le personnage, sachant qu’au début de chaque tour, il est possible de recomposer le deck « actif », ce qui permettra d’affiner la stratégie face à un monstre coriace ou spécifique.

Les figurines

Les figurines sont clairement un élément d’amélioration visuelle et d’immersion, mais soyons honnête : elles ne sont en aucun cas nécessaires. Les menhirs pourraient tout à fait être remplacés par des dés à huit faces par exemple, indiquant leur valeur restante, les figurines par des pions.

Mais le cachet du plateau ne serait pas le même !

Béor et Ailei, deux des quatre héros, des menhirs et un gardien.

La qualité de la sculpture n’est pas sidérante et le niveau de détail loin de ce qui peut se faire de mieux aujourd’hui, mais l’ensemble tient la route. Le seul bémol qu’on peut reprocher sont les pions « cadrans », octogonaux, qu’on insère dans les Menhirs pour compter leurs vies. Les chiffres de ces derniers ne sont pas lisibles facilement. Problème qu’on peut régler facilement en les peignant (base de noir, brossage à sec en or/argent, et peinture des chiffres en inversé).

Les jetons cadrans (avant/après peinture)

En résumé

Tainted Grail est un jeu comme aucun autre, il propose une immersion forte, a bénéficié d’un énorme travail de conception et de finition, et promet de longues heures de plaisir ludique.

Il sera bientôt disponible à l’achat en VF chez Edge.

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